L'adaptation d'un film en jeu vidéo est un exercice périlleux sur lequel beaucoup de développeurs se sont cassés les dents et ce pour plusieurs raisons. D'une part, le jeu doit souvent être développé rapidement pour que sa sortie coïncide avec le film, pour un motif marketing évident, mais on sait que les softs développés hâtivement sont généralement bâclés. D'autre part, les développeurs choisissent un type de jeu ou un angle de développement qui ne rend pas vraiment hommage au film.
Bien souvent les produits dérivés des films sont des déceptions pour les joueurs, les exemples sont nombreux: E.T, Matrix, WaterWorld etc. Mais il peut arriver que ça soit le contraire, Goldeneye 64 est l'exemple le plus parlant.
La fin de l'année 2005 voit naître le remake du célébrissime film fantastique King Kong, sorti initialement en 1933. L'adaptation en jeu vidéo est confiée à UbiSoft Montpellier. L'équipe de développement de Marcel Ancel (Rayman, Beyond Good and Evil), dont le savoir-faire n'est plus à prouver, est épaulée par Peter Jackson (le réalisateur du film) qui s'implique pleinement dans le projet.
Au vu de ces éléments, on aurait pu penser que les joueurs pourraient bénéficier d'un jeu de qualité, mais malgré quelques bonnes idées le soft est plombé par des défauts qui ne lui permettent pas de sortir du lot.
Bienvenue sur Skull Island
Après une intro qui est un résumé avec les vraies images du film, nous voilà donc échoués sur l'île du Crane où l'on va passer 98% du jeu.
On s'aperçoit avant tout que les développeurs ont travaillé l'ambiance. La réalisation, bien que loin d'être transcendante, n'est pas la plus moche qu'on ait vu sur GameCube. Si les textures ne sont pas folichonnes, on apprécie en revanche le soin apporté pour l'élaboration des ennemis et notamment des dinosaures (T-Rex entre autres).
L'aspect sauvage et dangereux de l'île du Crane est bien rendu. C'est un véritable enfer pour les héros du jeu, on se sent menacé du début jusqu'à la fin, entres les crabes, les insectes, les dinosaures et les indigènes, on a vraiment l'impression d'un milieu totalement inhospitalier à l'Homme.
La véritable star du jeu, Kong, est aussi bien modélisée, mieux que les personnages en tout cas.
UbiSoft a usé, et presque abusé, des effets visuels pour accentuer le côté cinématographique du soft. Si on a aimé l'effet dramatique quand votre personnage est touché (vision qui se trouble, ralenti, musique tragique), on a moins apprécié les effets pour surligner la puissance de Kong qui sont peu trop marqués et pourront agacer les joueurs moins patients.
L'environnement sonore est une vraie réussite, on se croirait presque dans un survival horror. Les cris des monstres alliés avec l'écran qui tremble et l'effet de peur est garanti ! Ajoutez à cela qu'on entend la respiration de votre personnage et ses cris, cela favorise l'immersion dans le jeu. Les musiques sont discrètes mais peuvent participer à l'ambiance lors des moments de panique ou de stress.
Jack et Kong : 2 styles de jeux dans un même soft
Vous incarnez dans un premier temps Jack, un des protagonistes du long-métrage. Pour ces phases de jeu, on est bien devant un FPS, mais en version allégée. En effet ce qui surprend par rapport à un FPS lambda c'est l'absence d'interface, ou plutôt cette dernière est très épurée.
Contrairement à d'autres jeux du même style, il n'y a ni jauge de vie ni indication de munition (même si l'option peut être activée pour ce dernier point). Si vous souhaitez jouer sans indicateur de munitions, vous pourrez toujours appuyer sur X, dans ce cas Jack vous dira combien il reste de chargeur, assez original ! Il n'y a pas non plus le curseur de visée. Ne vous inquiétez pas à ce propos, le jeu ne vous pénalise pas trop pour un tir hors cible.
L'absence de tout inventaire est une trouvaille sympathique pour accentuer l'immersion.
Tout au long du jeu vous aurez très peu d'armes et très peu de balles. Pour pallier cette carence vous pourrez toujours vous servir d'armes naturelles : bâtons, os tranchants récupérer sur une carcasse. Certes ces projectiles d'appoints sont moins puissants mais pourront vous sauver la peau.
Il faudra aussi faire preuve de ruse ! Par exemple, votre personnage pourra utiliser le feu pour se débarrasser des ennemis mais également utiliser des appâts pour distraire les bêtes les plus dangereuses et les plus coriaces afin de pouvoir fuir.
Si vous n'avez pas d'appâts, sachez que les créatures se mangent entre elles ! Un bon moyen pour faire diversion, vous tuez une bestiole et elle se fera dévorer par les autres autour ! Profitez-en pour vous éloigner.
Le jeu est assez punitif, lorsque vous vous ferez toucher une première fois, votre vision se troublera, le deuxième coup vous rendra encore plus vulnérable alors que le troisième sera synonyme de mort. La solution consiste alors à se replier rapidement le temps de retrouver la forme, puis à utiliser tous les moyens mis à sa disposition pour contourner un problème.
Vous êtes souvent livré à vous-même, mais quelques fois vous serez accompagné des seconds rôles dans certaines scènes. L'I.A est relativement bien gérée et vous pouvez échanger vos armes avec vos compagnons d'infortune en appuyant simplement sur A.
Après plusieurs séquences avec Jack, vous incarnez Kong dans des phases de beat'em all, ma foi assez jouissives. Ces passages, qui restent très sommaires, allient la castagne avec des phases où il faudra gérer des sauts.
Tout reste parfaitement jouable malgré la lourdeur du gorille géant, le plaisir ultime reste quand Kong passe en mode Rage, ce qui lui permet de décupler sa force.
Les deux systèmes de jeux, avec deux gameplay différents permettent bien entendu de diversifier l'expérience de jeu.
Au niveau de la jouabilité, il n'y a pas de problème majeur à signaler. La manette GameCube, toujours très agréable en prise de main, est bien exploitée.
Des carences tout de même
King Kong est un jeu qui rend hommage au film avec une ambiance bien élaborée, mais ce n'est quand même pas le jeu de l'année non plus.
Graphiquement on a vu mieux, les décors sont très vides et se ressemblent. Effectivement comme dans le film, la majeure partie de l'action se déroule sur l'île, c'est pour cette raison que le jeu possède uniquement deux scènes sur New York. Ces deux dernières sont vraiment ratées, la ville est déserte et la mort de Kong est bien moins mise en scène que dans le long-métrage.
Les phases FPS représentent 75% du jeu, ce qui est vraiment dommage car elles sont moins plaisantes à jouer que celles de Kong. Les moments où vous incarnez Jack sont relativement stressants mais surtout monotones, on a l'impression de faire toujours la même chose, avec les mêmes objectifs.
Les phases avec Kong ne sont pas exemptes de défauts non plus, la faute à des angles de caméra surprenants qui peuvent dérouter.
Le jeu est très court, l'aventure se boucle en 6 heures et si vous désirez voir une fin alternative, vous devrez recommencer la plupart des chapitres afin d'obtenir un certain nombre de points pour débloquer des extras comme de superbes croquis de Weta (entreprise née-zélandaise spécialisée dans les effets spéciaux pour le cinéma ) ou des interviews. Certains bonus sont uniquement déblocables via un code en ligne.
Quoiqu'il en soit, une fois fini, il est peu probable que les joueurs aient envie de refaire le jeu.
King Kong n'est pas forcément un mauvais jeu, on passe un bon mais court moment devant l'écran. Il est simplement regrettable que le soft soit assez limité et que les bonnes idées des développeurs n'aient pas été totalement exploitées.
Les Plus
+ Contrôler Kong, un vrai plaisir
+ L'immersion dans la peau du personnage
+ Le level design de la faune
Les Moins
– Les passages FPS ennuyeux et répétitifs
– Les passages avec Kong pas assez nombreux
– Le finish vraiment raté
Graphismes 14/20
Arrivé presque en fin de vie de la GameCube, King King ne brille pourtant pas par ses graphismes. Mis à part quelques beaux effets de lumière, les textures sont moyennes et les décors restent assez vides, surtout le niveau de New-York qui est vraiment très décevant. A l'inverse, la modélisation des dinosaures et les mouvements de Kong sont réussis.
Jouabilité 15/20
L'absence de tout inventaire ou d'indication visuelle accentuent vraiment l'immersion. Les contrôles répondent très bien que ce soit avec Jack ou Kong. Au niveau du gameplay, les joueurs vont nettement préférer les phases avec le gorille réellement plus grisantes que les phases FPS classiques.
Durée de vie 9/20
Un produit de consommation assez réduit puisqu'il ne faudra que 6 heures pour en venir à bout. Certes ces six heures seront bien remplies mais au final le contenu proposé est vraiment rachitique.
Bande son 16/20
La réalisation sonore accompagne parfaitement l'ambiance délétère de Skull Island. A l'instar d'un Resident Evil, les cris de la faune sauvage vous feront flipper.
Scénario 13/20
Le scénario est relativement fidèle au long-métrage. On apprécie que les développeurs n'aient pas inventé une histoire parallèle qui aurait dénaturée la romance entre Kong et Ann. Cependant il n'y pas de cinématique entre les niveaux et la dernière scène censée être poignante ne l'est pas du tout.
Verdict
Connaissant le travail Michel Ancel, on aurait pu penser que King Kong serait une réussite dans tous les domaines. Malheureusement, hormis un très bon travail d'ambiance qui doit beaucoup à l'absence d'interface, le jeu d'Ubisoft Montpellier reste un FPS moyen, qui saura sans doute contenter le grand public, mais certainement pas le joueur expérimenté. Les passages avec Kong sont incomparables mais contrastent avec les phases de Jack qui sont linéaires et parfois fastidieuses. Encore une fois, le film reste meilleur que son adaptation en jeu vidéo.