La scène vidéo-ludique indépendante reste souvent dans l'ombre des grosses productions traditionnelles, ce qui est fort dommage au vue de certaines créations. C'est le cas de Citizens of Earth un RPG old school qui mérite qu'on s'y intéresse.
Développé par une toute petite équipe canadienne d'une dizaine de personnes, Citizens of Earth est la deuxième production d'Eden Industries. Leur premier jeu, Waweform, un titre orienté action-réflexion n'était disponible que sur les PC. Avec Citizen of Earth, les développeurs ont élargi les plates-formes aux consoles et donc à la Wii U.
Pour une dizaine d'euros, Eden Industries nous fait partager sa vision du RPG, bien loin des standards actuels. Néanmoins non conformiste ne veut pas dire mauvais, bien au contraire, Citizens of Earth est un jeu relativement original et prenant, et chose rare pour les titres indépendants, il propose une grande durée de vie.
La Terre est en danger, le vice président de la Terre, c'est-à-dire vous, doit intervenir afin de régler de nombreux problèmes.
Initialement épaulé par sa maman et son frère, le vice président de la Terre devra faire équipe avec un boulanger, une photographe, un sans-abri ou bien également une policière pour mener à bien sa mission. De nombreux ennemis viendront lui barrer la route comme des manifestants, des hippies, des vaches OVNI, des panneaux de circulation etc.
Ce que je viens d'écrire semble n'avoir aucun sens, c'est pourtant la trame scénaristique du jeu. Ce dernier assume totalement son côté loufoque et absurde. Rassurez-vous on s'y fait d'autant plus vite que l'humour passe très bien et nous change des sempiternels héros devant sauver le monde à force de bravoure et d'abnégation.
Les développeurs ont sans doute été inspirés par la série Mother, non distribuée en Europe, car pour les connaisseurs il existe de nombreuses similitudes entre Citizens of Earth et Mother, nous y reviendrons en fin de test.
Citizens of Earth est un RPG Old school, les graphismes nous ramènent au bon vieux temps de l'ère 16 bits, tout en étant dans l'ère du temps. En effet la réalisation technique est travaillée, les décors sont détaillés et variés. Le cachet visuel du jeu (personnages, bestiaire) confère un aspect attachant au soft.
Les dialogues sont en anglais mais les textes sont intégralement traduits en français, les musiques ne sont pas désagréables.
Le gameplay est très simple, on a juste besoin d'un stick pour se déplacer et d'une touche pour les combats !
C'est l'aspect technique des affrontements qui se révèle particulièrement intéressant.
Citizens of Earth est un jeu de rôle où les combats se font au tour par tour, c'est classique, mais le fait qu'il n'y a aucun PNJ (personnages non joueur) est inédit dans l'histoire des jeux vidéos.
En fait vous allez pouvoir recruter tous les personnages du jeu, ceux-ci sont au nombre de 40 et sont tous totalement différents dans leurs caractéristiques et dans leurs talents.
Vous incarnez le vice président (qui ne participe pas au combat) et vous dirigez une équipe de 3 protagonistes. Bien entendu vous pouvez changer d'équipe à tout moment. Si au départ votre team est limitée, au fur et à mesure que vous recrutez, vous aurez l'embarras du choix pour former votre trio d'attaque.
Les personnages à enrôler sont tous des stéréotypes affligeants, mais leur présence contribue indéniablement à l'ambiance complètement décalée de ce titre qui, pour le coup, s'éloigne allègrement de ce qu'on a l'habitude de voir.
Cependant tous les personnages ont une utilité bien précise, en plus de leurs compétences spécifiques dans les combats. Par exemple le boulanger peut vous vendre du pain (un item qui permet de regagner de l'énergie), le personnage de la mascotte vous permet de changer la difficulté du jeu en général, le capitaine va vous permettre de naviguer sur les eaux et donc de vous déplacer plus vite etc.).
Pour revenir aux combats ceux-ci sont très classiques sur la forme, c'est du tour par tour, mais sur le fond c'est bien plus original : les attaques de vos personnages sont relativement atypiques et propres à chacun des protagonistes.
Si la maman aime faire des gros câlins pour redonner de la vie à ses troupes, le boulanger préfère quant à lui concocter des arômes pour cuire ses ennemis, tandis que le conspirationniste n'hésite pas à recourir à la fois aux discours enjôleurs et à la manière forte s'il le faut. Cela passe alors par l'usage d'outils peu recommandables, comme un aiguillon à bestiaux ou un sérum de vérité qui ont l'avantage de combiner les attaques physiques à des éléments naturels tels que l'eau ou l'électricité.
Cette notion d'éléments est d'ailleurs primordiale dans le gameplay puisque la plupart des ennemis sont vulnérables à un élément bien précis, et le fait d'exploiter ces points faibles permet d'accumuler les unités d'énergie requises pour lancer toutes les compétences spéciales. A l'inverse, se faire prendre par surprise ou attaquer avec l'élément fétiche de l'adversaire nous fait perdre ces précieux points d'énergie autour desquels gravite tout l'aspect tactique des combats. On dénombre ainsi sept éléments différents à prendre en compte durant la partie (neutre, thermique, bactériologique, hydrique, musclé, statique et verbal), le plus prudent étant de se constituer une équipe hétéroclite capable de dégainer n'importe quel élément quand il le faut.
Rassurez-vous les menus lors des phases d'attaques sont clairs et rapides, en général les joutes ne durent pas très longtemps, mis à part les quelques boss du jeu.
Cependant vu le nombre d'ennemis présents sur les cartes, les combats deviennent très vites redondants, en plus on ne peut pas les fuir.
Heureusement les concepteurs ont eu l'idée de pouvoir éradiquer les ennemis faibles directement sur le terrain sans passer par un écran de combat en les envoyant charger dans le tas, ce qui permet de gagner un peu de temps. Cette technique de charge permet également d'avoir l'avantage avant une joute si celle-ci est bien utilisée.
Il ne suffit pas uniquement de parler aux 40 personnages pour les enrôler, bien souvent il faudra accepter une mission pour convaincre un comparse de vous rejoindre. En plus de la quête principale et des quêtes annexes, vous allez vite crouler devant la quantité importante de tous ces objectifs.
Toutes vos missions sont consignées dans votre agenda pour ne pas les oublier, et sont également pointées sur la carte. Mais celle-ci est très petite et très peu lisible, surtout quand on joue avec le GamePad. C'est dommage, la possibilité de zoomer et de-zoomer sur la carte aurait été d'une grande aide pour le joueur.
Pour un jeu à une dizaine d'euros, il est vraiment très long, la quête principale demande un minimum de temps pour être accomplie, auxquels s'ajoutent optionnellement le recrutement des 40 figurants jouables, ainsi que quelques annexes proposées tout au long de la partie. Et pour finir vous pouvez dénicher et collectionner un certain nombre d'objets qui peuvent changer les compétences des joueurs de la team du vice président.
On devra faire quelques allers-retours à faire tout au long du jeu, ce n'est pas forcément ce qu'on préfère, ni même les nombreux écrans de chargement, certes rapides, mais qui cassent le rythme du jeu.
Citizen of Earth n'est pas très difficile, il n'est pas nécessaire d'augmenter vos personnages au maximum pour pourvoir vaincre le boss final. C'est une bonne chose, car le joueur pourra jongler entre ses protagonistes afin des les faire développer. Cette pluralité permet de ne pas sombrer dans la monotonie, mais on peut difficilement profiter de tous ses alliés.
La clé du succès réside dans l'homogénéité de votre équipe. Pour progresser rapidement, il est préférable d'avoir un ou deux personnages forts qui vont pouvoir épauler la dernière recrue (qui démarre toujours à un niveau bas) sans que le groupe soit mis en difficulté par la faiblesse d'un individu.
Pour terminer, on peut encore souligner que le fait de jouer à Citizens of Earth nous donne vraiment l'impression de renouer avec la série Mother, série méconnue du public européen même si Earthbound, le deuxième opus, est disponible sur la console virtuelle de la Wii U.
Tout dans le jeu du studio Eden Intrustries renvoie immanquablement à Mother, on y retrouve le même type d'humour décalé, de situations loufoques, d'ennemis improbables, jusqu'aux arrière-plans psychédéliques qui viennent colorer les batailles, et également l'idée de pouvoir éradiquer les ennemis faibles directement sur le terrain sans passer par un écran de combat en les envoyant charger dans le tas.
En conclusion, à part si vous êtes totalement réfractaire aux RPG old school ou que le concept pour le moins original vous rebute, Citizen of Earth reste un titre sympathique à jouer, avec quelques défauts certes, mais doté d'une richesse insoupçonnée surtout pour un jeu indépendant.
Les Plus
+ La touche graphique
+ 40 personnages jouables
+ Aspect tactique des combats
+ Durée de vie d'envergure pour un jeu à petit budget
Les Moins
– Carte illisible
– Les temps de chargement nombreux
Graphismes 14/20
Le côté rétro des graphismes renvoie une certaine nostalgie. Les développeurs ont fourni un travail brillant au niveau de la réalisation, les décors sont variés, détaillés, et colorés.
Jouabilité 14/20
Très basique, mais pour ce style de jeu il n'était pas nécessaire que le gameplay soit très complexe de toute manière.
Durée de vie 15/20
Un point fort du jeu et qui prouve qu'un jeu indépendant peut offrir une durée de vie conséquente. Entre la mission principale, les missions annexes et le recrutement de tous les personnages vous aurez de quoi faire.
Bande son 14/20
En ce qui concerne les musiques celles-ci sont basiques. Les voix des personnages et les bruitages ont un côté cartoonesque, mais cela va de paire avec la singularité du titre.
Scénario 14/20
Du grand n'importe quoi mais ça passe. Les concepteurs ont voulu un jeu drôle et décalé, et cela passe par un scénario burlesque mais qui se laisse suivre sans problème.
Verdict
Par son aspect insolite Citizens of Eearth sort des sentiers battus et apporte de la diversité dans le monde des jeux vidéos. Fortement inspiré par la série Mother, le jeu est très prenant si on adhère au concept et ce malgré quelques lacunes. C'est d'autant plus vrai que vous n'allez pas vous ruinez et que la durée de vie est conséquente. Le titre d'Eden Industries est donc un très bon choix dans le catalogue très fourni des jeux indépendants.