Au printemps 2012, Sega revoyait à la baisse ses prétentions en matière de production de jeux vidéo. La raison principale de ce retrait était bien entendu la mauvaise santé financière de l'entreprise. Platinum Games, qui avait déjà commencé le développement de Bayonetta 2 pour Xbox 360 et PS3 s'est trouvé à court de liquidités et donc dans l'impossibilité de poursuivre la réalisation de ce qui est devenu l'un des meilleurs jeux de la Wii U et de tous les supports confondus en 2014. Car abandonné par Sega, Platinum Games a tenté de solliciter les deniers de Sony et Microsoft qui ont immédiatement refusé. Deux hypothèses persistent aujourd'hui, la première évoque l'échec de la commercialisation du premier épisode sur PS3 qui a totalisé des ventes passablement basses. La seconde évoque un refus immédiat en raison du scénario du jeu mais cette dernière rumeur, qui reste à démontrer, ne change rien à l'affaire puisque Nintendo a sorti le chéquier pour soutenir la création au bon moment. Restant à l'écart du développement pour ne pas interférer avec l'équipe de Platinum Games, Nintendo s'est borné à produire en émettant tout au plus des avis critiques sans imposer de décision. Depuis l'annonce du jeu en exclusivité sur Wii U le 13 septembre 2012, les débats ont été houleux sur la toile et les internautes ont pu largement exprimer leur déception de ne pas voir le jeu sortir sur d'autres supports. Voyons en détail de quoi les possesseurs d'une Wii U peuvent se vanter depuis le 24 octobre 2014.
Marche à l'Umbra !
Cereza est une sorcière de l'Umbra, le clan gardien des forces des ténèbres. Elle fait face aux forces de la lumière, le clan Lumen. Ces derniers sont déterminés à éliminer notre sorcière bien aimée. Cereza, connue sous le pseudonyme Bayonetta, vit donc en permanence sous la menace des anges qui veulent la détruire. Alors que Bayonetta parcourt les magasins pour s'offrir un nombre certain de vêtements, elle rencontre Jeanne, sa partenaire de clan et amie. Les anges du Lumen vont bien sûr intervenir pour gâcher la journée de nos héroïnes. Désireuse de régler rapidement le sort d'un vilain boss, Bayonetta invoque un démon qui va se rebeller et porter un coup fatal à Jeanne alors qu'elle tentait de sauver Bayonetta. Elle dispose de vingt-quatre heures pour descendre en enfer et sauver l'âme de Jeanne qui repose désormais là-bas. Passé ce délai, son corps conservé par Rodin, trafiquant d'armes et tenancier du bar « Les Portes de l'Enfer », ne pourra plus être réanimé. En chemin, Bayonetta croise Loki, un jeune garçon doté de talents surprenants dans le maniement du pouvoir des cartes. Loki va jouer le rôle de guide et Bayonetta, l’œil gauche des ténèbres, va endosser le rôle de protectrice. Loki est poursuivi par les anges menés par Balder, le sage de Lumen déjà présent des les aventures du premier opus sorti en 2010 sur les consoles de salon de la génération précédente. Bayonetta va donc se dresser à nouveau contre Balder, l’œil droit de la lumière, mais cette fois pour aider son guide Loki. Passé le début du jeu qui présente ce synopsis alléchant, force est de constater qu'une fois Bayonetta 2 sous les yeux et la manette dans les mains, l'éparpillement des idées laisse perplexe puisque ce n'est quasiment qu'à la fin que ces idées s'organiseront enfin pour donner du sens aux événements.
The Devil May Laugh
L'impression de ne pas savoir où va l'histoire se trouve amplifiée par la grande exigence du gameplay qui s'accapare toute l'attention avec l'enchaînement de nombreux boss et le désir insatiable de casser du Lumen à la chaîne. Bayonetta 2 est un excellent Beat Them Up. Débridé et furieux, il oppose aux joueurs des ennemis angéliques allant de la petite chair à canon au boss imposant en passant par des ennemis plus violents et dangereux que la piétaille mais plus fréquents que les boss. L'envoûtement revient dans Bayonetta, permettant de ralentir le temps lorsqu'une esquive est validée au plus près du coup porté. Le cortège des techniques de combat fait aussi son retour diluant un peu la jouabilité avec de trop nombreuses manipulations parfois très ressemblantes. « Les Portes de l'Enfer » sont le quartier général de Bayonetta, elle peut y trouver des trésors de violence à la mesure de ses talents de sorcière. Les armes proposées par Rodin peuvent être portées aux mains comme une faux ou une sorte d'arbalète insectoïde. Certaines armes peuvent également être portées aux pieds, les lames et les lance-flammes/lance-glace une fois chaussés procurent aux joueuses et joueurs le plaisir de voir Bayonetta utiliser ceux-ci aux pieds en prenant des positions très sensuelles. Muspelheim est l'autre endroit très fréquemment visité par Bayonetta. Elle y accède grâce à des cercles lumineux qui la téléportent sur le théâtre de combats spéciaux où des règles supplémentaires viennent corser une difficulté revue un peu à la baisse dans ce second titre. Bayonetta 2 choie son public dans les premiers niveaux de difficulté, première et seconde apothéose. Les modes troisième apothéose et apothéose infinie présentent un plus grand intérêt, obligeant les plus persévérants à rejouer le mode histoire pour doter Bayonetta d'un meilleur équipement.
Le B2 de la Wii U
Mais recommencer Bayonetta 2 ne demandera aucun sacrifice. C'est avec le cœur léger et les rétines encore imprégnées des plus belles images de l'année 2014 qu'une immense majorité de joueurs lancera la partie suivante tant le jeu est magnifique. Les démonstrations de la puissance de la Wii U sont légion et sa supériorité graphique par rapport aux consoles de génération précédente explose à la figure de toute personne ayant le bon goût de s'approcher de Bayonetta 2. Les reflets sur les pierres humides et les sols mouillés, les effets de lumière et les auras entourant les anges, l'incroyable réalisme des entrailles d'un grand démon sont autant de preuves du grand soin apporté à la réalisation du jeu qui est très beau mais en plus très dynamique. Les décors seront torturés, déformés, gondolés, fracturés, retournés dans tous les sens. Plus encore que son aîné, Bayonetta 2 triture son level design et le rend évolutif pour offrir un spectacle encore plus impressionnant. Les transformations des lieux que Bayonetta devra parcourir, comme par exemple la chute vertigineuse du fragment de plate-forme sur lequel elle se trouve, se superposent aux nombreux effets visuels des combats dans une fluidité des plus confortables. La J-pop qui accompagne les scènes de combat, discrète, rafraîchissante et jamais niaise, égaie les parties sans s'écarter du reste de la bande-son, elle aussi de haute qualité, et du thème visuel démoniaque et violent qui domine la seconde moitié de Bayonetta 2. L'action très intense et le rythme soutenu des combats drainent une très grande partie de la capacité de concentration des joueurs. Les combats s'enchaînent rapidement, ils sont difficiles. Mais Bayonetta est épatante, une fois de plus.
Sorcière mais femme avant tout
Évidemment Bayonetta est belle. Son esthétique a été retouchée pour révéler un bas du visage un petit peu plus fin et un menton qui paraît plus affirmé. Sa coupe de cheveux rafraîchie envoie le chignon aux oubliettes mais il reste encore assez de matière sur sa tête pour déchaîner des démons gigantesques et les apothéoses de l'Umbra, des attaques surpuissantes qui peuvent être déclenchées lorsque la jauge de perles de Lune est remplie. Bayonetta est également très coquette, avec sa panoplie de costumes nouveaux et très détaillée mais aussi avec des costumes très spéciaux provenant de l'univers de Nintendo. Ainsi elle pourra revêtir la tenue de Peach, Daisy, Link, Samus Aran et Fox Mc Cloud. Son charme et le glamour transpirent de chacune de ses actions. C'est un baiser ensorcelé qu'elle envoie pour refermer les portails ouverts par les anges et une rafale en forme de cœur tirée aux pistolets qui dissipera les portails ouverts par les démons. Avec sa voix de femme fatale et des sucettes en guise d'objets de soin, toutes maniées avec malice et quelques clins d’œil pendant les cinématiques, Bayonetta charme sans peine son public bien plus aisément qu'une Lara Croft d'un autre temps. Avec des hanches larges et une poitrine qui n'est pas exagérée, Bayonetta s'éloigne du cliché racoleur de la jeune étudiante gémissant trois octaves trop haut à la seule vue d'un chaton. C'est au contraire l'image d'une femme forte, indépendante, féminine, sexy et violente si nécessaire que Platinum Games renforce avec ce second volet. L'indépendance de Bayonetta est à l'image de celle de ses créateurs qui n'hésitent pas à glisser dans le jeu des phrases à contre-courant du dogme médiatique actuel. « Le capitalisme aura toujours sa place en enfer », dit Rodin. Il y a peut-être là de quoi agacer les gens qui financent les grosses productions du jeu vidéo, non ?
Les Plus
+ un jeu technique mais abordable
+ voix anglaises ou japonaises ...
+ ... sous-titrées en français
+ des dialogues adultes qui interpellent
Les Moins
– pas de mode histoire en ligne à deux
Graphismes 19/20
Éblouissants. Quelques textures sont étrangement faibles alors qu'il reste de la place sur le disque iDensity, mais elles sont rares et les effets visuels sont saisissants. La puissance de la Wii U s'exprime vraiment dans ce jeu.
Jouabilité 19/20
La jouabilité tactile au Wii U GamePad est très intuitive pour les néophytes mais on passe vite aux sensations de boutons de la manette Wii U Pro, du combo Wiimote + manette Wii Classique Pro ou du Wii U GamePad pour exécuter tous les coups avec plus de précision.
Durée de vie 17/20
Comptez une petite vingtaine d'heures pour finir une première fois le jeu. Pour bien équiper Bayonetta, il faudra le recommencer. Le mode deux joueurs Double Apothéose, en ligne seulement, lasse vite et ne permet pas de revisiter le mode histoire à deux.
Bande son 18/20
Sans le moindre incident, aucun fichier son de moindre qualité ne vient gâcher la fête. Les musiques soulignent parfaitement l'ambiance.
Scénario 15/20
Prometteur au début, délicieusement subversif à la fin, il est creux entre les deux, abyssal même. Cette perte de rythme arrive même à faire oublier Jeanne, prisonnière des enfers !
Verdict
D'un cours de libération de la femme, d'un défouloir brutal et sanglant, d'un déferlement de positions sexy, de furie démoniaque et de quelques propos subversifs bien sentis, Bayonetta 2 réussit un mélange que peu de grands noms du jeu vidéo osent encore tenter. Son gameplay millimétré et ses périls dans le plus haut niveau de difficulté raviront les joueurs les plus aguerris. Son esthétique très soignée attirera les yeux de toutes et tous, accueillis par les modes les plus faciles et les possibilités qu'offre l'écran tactile du Wii U GamePad. Il fait partie des trésors incontournables de la sixième console de salon de Nintendo. Bayonetta 2 est l’œuvre d'art promise. Il ne vous reste plus qu'à y jouer, vous y gagnerez, au propre comme au figuré.